Portraits féminins mythiques – #1

Da Vinci, Vermeer et Warhol ont créé les trois portraits féminins les plus célèbres au monde. La Joconde, la Jeune Fille à la Perle et Marilyn, des images iconiques, symbolisant la Femme, chacun à leur manière. Les voici en 3 épisodes.

Aujourd’hui, La Joconde. Connue aussi comme Mona Lisa a été peinte vers 1515. Sur la date, les experts ne sont toujours pas d’accord. Qu’importe. On sait d’évidence que Leonardo da Vinci a réalisé cette huile sur bois de peuplier de 77 sur 53 centimètres. Ce serait le portrait mi-corps de dame Florentine Lisa Gherardini.

LA JOCONDEElle pose de trois quarts, assise, les bras croisés. Simplement mais richement et élégamment vêtue, elle regarde le spectateur de ses yeux sur un même plan horizontal qui, de ce fait, suit ceux du spectateur, toujours son fameux sourire énigmatique aux lèvres. Ce qui fascine dans cette représentation tient sans doute à la stabilité du personnage, Mona Lisa se présente sereine, sûre d’elle. Elle ne porte aucun bijou, ni artifice, intemporelle. N’est-ce pas cette simplicité dans la composition, comme dans la nature de cette jeune dame, et dans la quasi symétrie du tableau qui fait son succès. Car devant La Joconde à la peau claire, dont le cœur se situe au centre du tableau, qu’y a-t-il à dire (malgré tout ce qui a déjà été – et sera – dit et écrit), si ce n’est une impression de plénitude, d’apaisement et d’éternité qui ne demande que silence ? Et ce petit sourire, ne veut-il pas dire, « je suis là, heureuse, immortelle, éternelle, devant vous qui n’êtes que de passage ? ».

Dans le magazine New Scientist de décembre 2005 on peut lire qu’un logiciel de reconnaissance des émotions révèle que le sourire de la Joconde traduirait à 83 % le bonheur, à 9 % le dédain, à 6 % la peur, à 2 % la colère, à 1 % la neutralité et aucun pourcentage à la surprise. Ah ces IA machines!

FOULE DEVANT MONA LISA
La foule se presse devant l’idole – Photo Max Fercondini

Chaque jour plus de 20.000 personnes viennent admirer la Joconde, certains sont déçus par le relatif petit format de l’œuvre (zut, elle va être toute petite sur mon selfie ! – et on peut même pas s’approcher, c’est moche). Mais Lisa est la valeur sûre du Louvre, d’ailleurs elle y restera pour toujours, enfermée en ses murs à jamais. Pourtant elle a bourlingué, de l’Italie à Ambroise, chez François 1er, puis à Versailles et Paris, jusque dans la chambre de Napoléon, plus tard elle ira à Bordeaux et Toulouse, pour échapper à la voracité scélérate de Göring, et ensuite, toujours en fuite elle parcourt la France de château en château, Montauban, Amboise, Chambord pour revenir au Louvre une fois les loups partis.

En 1962, avec André Malraux, elle navigue en cabine de luxe sur le France. Ce sera Washington puis New York où JFK et Jackie, comme plus d’un million et demi de visiteurs l’admireront. En 1974, elle s’envole pour Tokyo où elle échappe à une tentative de détérioration au spray rouge. Au retour elle fait halte quelques jours à Moscou. Ce sera son dernier voyage. Trop fragile, Mona Lisa, quintuple centenaire, est maintenant insérée dans un caisson qui l’isole des vibrations, des variations d’humidité et des changements de température. Face au gigantesque tableau du Véronèse, les Noces de Cana, accrochée sur une cimaise pour elle seule, sourire énigmatique et perpétuel aux lèvres, elle regarde défiler le monde venu l’admirer par amour, par curiosité, par instagrammerie ou par pure bêtise comme ce touriste russe qui en 2009 lui lance une tasse à thé.

LA JOCONDE ENTARTEEOu plus récemment, le 29 mai 2022, un homme déguisé en vieille femme handicapée, lui lance une part de gâteau à la crème. Ces deux-là auraient quand même pu se concerter pour lui organiser un goûter !

Après tant d’années de bourlingage, le tableau a perdu ses couleurs d’antan. Les divers vernis se sont oxydés, les fumées et poussières ont rendu le tableau sombre, bien différent de ce qu’avait peint da Vinci. Le temps était venu, aidé par les techniques modernes, à la restauration. Tant d’œuvres majeures ont déjà retrouvé les couleurs de leur jeunesse. Mais les experts du Louvre en ont décidé autrement. Aux dernières nouvelles, il n’y aura point de restauration.

SAINTE ANNE AVANT APRESMais de quoi ont-ils peur alors qu’un autre tableau du grand maître a été restauré dans les ateliers du Louvre : Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant Jésus jouant avec un agneau ? Bien sûr la restauration de celui-ci a semé le trouble parmi les experts du musée, dont certains ont démissionné. Le résultat est remarquable, on revoit les couleurs d’origine, des détails cachés par le temps, des repentirs, des esquisses, des parties inachevées, et même les empreintes digitales du grand maître italien. Ouf, on aurait pu retrouver, sous la couche de base, le portrait de Madame Mussolini, si pas de Bianca Castafiore !

LES JOCONDES
Il y aurait 15 musées français qui ont une Joconde à montrer…

De la Joconde, il existe des dizaines et des dizaines de copies, faites par de grands artistes. Leonardo aurait peint vers 1500 la Joconde d’Isleworth, du nom de l’endroit où elle a été trouvée.

LA JOCONDE DU PRADO AVANT APRES

La Joconde du Prado a été retrouvée dans les réserves du musée, le fond qui l’entoure avait été recouvert d’une couche de peinture noire. Superbement restauré, le tableau serait de la main de deux élèves de Leonardo.  La Joconde de Twalwil serait de la main d’un des amis et élève de da Vinci, la Joconde d’Epinal date elle du XVIIème siècle. On connaît aussi celles d’Oslo, de l’Ermitage, de Troyes, de Baltimore, etc…

MONNA VANA JOCONDE NUE

Da Vinci aurait même peint une version dénudée, Mona Vanna ! Il en existe une vingtaine de versions, datant du XVIème siècle dont celle de Salai, élève de da Vinci. On ne compte plus les versions, ressemblantes ou pastiches de la belle Lisa, les artistes du XXème s’en sont donné à cœur joie, allant jusqu’à lui coller des moustaches… elle est présente dans les chansons, en littérature, en BD, en dessins animés, au cinéma, en publicité… c’est donc ça la rançon de la gloire ?

LE SAVIEZ-VOUS ?

Pour y faire un croquis de Mona Lisa, Louis Béroud, peintre émérite, se rend au Louvre le 22 août 1911, le musée est désert et le tableau n’est plus accroché à sa place habituelle.  Il ne reste que 4 clous. Il interroge un gardien, qui suppose que le tableau est à l’atelier de la maison Braun, photographe attitré du musée.

DE LA JOCONDE IL NE RESTE QUE 4 CLOUSLes heures passent et on lui apprend que Mona Lisa n’est pas chez les photographes ! Le tableau a bel et bien été dérobé, la veille, jour de fermeture, semble-t-il. Le chef de la sureté de la préfecture de Paris est dépêché sur place, il est accompagné de 60 inspecteurs. On ne rigole pas. Un criminologue découvre une empreinte digitale sur la vitre laissée sur place par l’odieux chapardeur. On relève les empreintes des 257 employés du Louvre. Rien, fiasco. Le directeur du Louvre, Théophile Homolle, déshonoré, démissionne. Le juge d’instruction fait emprisonner le poète Guillaume Apollinaire, qui avait peu de temps avant, publié un papier au titre évocateur « Faut-il brûler la Joconde? » et avait de surcroît quelques années auparavant, été mêlé à une affaire de vol et de revente de statuettes et masques phéniciens. Les fins limiers soupçonnent aussi et interrogent longuement un certain Pablo Picasso, car il avait acheté ces fameux masques dérobés, qui l’ont d’ailleurs influencé pour sa toile les Demoiselles d’Avignon. Quelques mythomanes de service revendiquent le vol. La société des amis du Louvre offrent 25.000 francs de récompense à qui retrouvera la fugueuse Lisa, somme doublée par un inconnu, doublée encore par la célèbre revue l’Illustration. Voilà donc 100.000 francs en jeu. Suffisamment pour que l’affaire acquiert une réputation planétaire et que la presse s’en donne à cœur joie.

LE VOLEUR DE LA JOCONDE VINCENZO PERUGGIALe voleur ? Un vitrier italien qui avait participé à la mise sous verre des œuvres majeures du musée, dont la Joconde. Pendant deux ans, il garde le tableau dans sa chambre, sous son lit, dans une valise à double fond. Puis s’en retourne, valise en main, dans son pays où il essaie de vendre son trésor à un antiquaire florentin, qui derechef le dénonce à la police. Voilà donc Vincenzo Peruggia, c’est ainsi qu’il se nomme, arrêté dans la chambre 20 de l’hôtel Tripoli au numéro 2 de la Via Panzoni à Florence qui, habile marketing, changera vite son nom en Hôtel Gioconda… toujours sur booking.com aujourd’hui.

Le filou ne prendra que quelques mois de prison, la presse italienne ayant salué son patriotisme car, en effet, il aurait voulu se venger des rapts de Napoléon, croyant naïvement que ce premier consul, tant détesté en Italie, avait volé là-bas sa célèbre Joconde.

Bien d’autres motifs ont été avancés, la presse sait être créative. Toujours est-il que le 4 janvier 1914, après avoir été exposé à Rome et Florence, le tableau revient à Paris, en grande pompe, dans une voiture de première classe des chemins de fer italiens, pour retrouver ses 4 clous. Mieux gardé désormais.

LA JOCONDE RETOUR AU LOUVRE-Color

 

 
Brigitte & Jean Jacques Evrard
p.art.ages@proximus.be

5 commentaires sur “Portraits féminins mythiques – #1

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  1. ma pause culture-plaisir (qui me permettra de passer pour une fille-ultra -cultivée au prochain diner où je tomberais à cours de conversation 😉 Merci B & JJ!

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  2. Critiques, analystes, historiens, romanciers, vous renouvelez l’approche de la peinture en amateurs professionnels et réciproquement, ce qui vous place au rang de doubles « oxymoriens. »
    Merci à vous pour ces palpitations émotionnelles que j’ai vécues avec votre Mona Lisa.
    Jo GRYN

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  3. Passionnant. J’ignorais tout des péripéties de la vie du tableau. Bien loin de la sérénité, du sentiment de bonheur tranquille qui transparaît dans le visage de la jeune femme

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