Dans Alice au Pays des Merveilles de Lewis Carroll, édité en 1865, la Reine Rouge accuse Alice de crime et ordonne de lui couper la tête. Dans le Lotus Bleu d’Hergé, paru dès 1934, Didi, fils de Wang Jen-Ghié, est empoisonné au radjaïdjah, le «poison-qui-rend-fou» et tente à plusieurs reprises de couper la tête de Tintin ! Voilà donc les enfants avertis de ce dont les humains sont capables.
Car de tous temps l’humain, erectus, néanderthalien, dénisovien, sapiens, etc… a toujours trouvé raison à trucider son prochain, par convoitise, racisme, jalousie, vengeance, méchanceté, bêtise,… Comme dans les images d’introduction de «2001 Odyssée de l’Espace» du génial et regretté Kubrick, où l’on voit un grand singe – notre ancêtre – qui découvrant l’outil, s’en sert immédiatement pour fracasser un crâne. Est-ce donc ainsi qu’a commencé l’intelligence ?
Dans les guerres, il était coutume d’exhiber les têtes coupées des vaincus, de les empiler ou de les porter en étendard au piquant de sa lance.
L’histoire ancienne fourmille de crânes accumulés, fierté des vainqueurs, preuve de leur puissance, humiliation des vaincus, terrorisme, actes symboliques, parfois mystiques. Les raisons sont multiples, dépendant des civilisations et des époques. Ces horreurs sont sans nom. L’homme sait aussi faire preuve de créativité dans sa bestialité.
L’histoire récente et actuelle n’est pas en reste, la guillotine, fille et petite-fille de nombreuses et très anciennes machines à couper en deux, a été utilisée du 25 avril 1792 au 10 septembre 1977 souvent à tour de bras faisant près de 17.000 victimes rien que durant la bien nommée Terreur.

Les guerres classiques ou coloniales et les génocides, qui n’ont pas manqué au XIXème et XXème siècles, ont continué cette coutume millénaire. Aujourd’hui encore, retour au Moyen-Age, les djihadistes la perpétuent avec la plus abjecte des cruautés.
Petit à petit, la décapitation s’est transformée en image iconique pour être représentée par deux tibias croisés surmontés d’un crâne. Tel, Jolly Roger, le drapeau des pirates. Il n’est donc pas surprenant que ce symbole de mort définitive soit largement utilisé en art.
Déjà chez les Romains comme dans cette très complexe mosaïque retrouvée à Pompéi et datée de l’an 72 avant J.C. Composée des symboles de la mort : elle montre un crâne posé sur un papillon (symbole de l’âme qui s’envolera), une roue (symbole du hasard), surmonté d’un outil de charpentier et fil à plomb, symbolisant l’égalité face à la finitude. A droite les vêtements humbles du pauvre, le bâton et la besace, à gauche les attributs du riche, sceptre et drap violet (teinture rare et couteuse à l’époque), pour indiquer que riches et pauvres ont la même destinée.
Les Memento Mori (Souviens-toi que tu vas mourir), représentations artistiques profanes, rappellent aux simples mortels la fragilité de la vie. Sur ces vanités, comme elles sont aussi appelées, on voit un crâne entouré de symboles divers. Un sablier, pour le temps qui passe. Une bougie, pour la fragilité de la vie qu’un souffle peut éteindre. Des cartes à jouer ou des dès, pour les aléas de la vie. Des fleurs ou des fruits, à la vie éphémère. Du verre, si fragile. De la pierre usée, ébréchée, pour bien montrer que rien ne résiste au temps. Des pièces de monnaie car riches ou pauvres nous sommes égaux devant la mort. Et bien d’autres symboles mystérieux ou évidents…
La religion chrétienne n’est pas en reste, elle dont la mort du Christ en croix est le symbole premier. Nombreux sont les ossuaires visibles (ou cachés) dans les lieux de culte européens. Certains sont sidérants par le nombre de crânes et d’os empilés et par la façon «artistique» dont sont disposés les ossements. Sur les pierres tombales médiévales, os et crânes gravés souvent de bien esthétique façon, font preuve du sérieux de l’affaire.
Les plus grands artistes, de Rembrandt à Warhol, de Memling à Cezanne, de Latour à Van Gogh, de Dali à Basquiat, y ont trouvé leur inspiration.
Avec, en tête, James Ensor allant même à faire son autoportrait avec un visage de squelette, sans chair mais en os, semblant se contempler au-delà de sa propre mort.
Aujourd’hui encore, têtes de morts sur tibias croisés font partie de l’iconographie populaire. Sur les produits et lieux dangereux, T-shirts, tatouages, bijoux, emballages, objets et décorations de toutes sortes mettent le symbole de la mort tous les jours sur notre chemin.
Cela nous rend-t-il plus conscients de ce qui tôt ou tard nous arrivera ? Nous incite-t-il à mieux vivre, plus heureux, plus aimants, plus conscients du ici et maintenant ?
Sur ce, novembre approche, moment pour honorer les morts ou fêter Halloween, selon affinités.
LE SAVIEZ-VOUS ?
Plus de 6 millions de $, voilà la somme déboursée cet été 2022 chez Sotheby’s New York pour le squelette complet d’un Gorgosaurus, âgé de 77 millions d’années.
Mais il fait pâle figure face à Stan (eh oui, on leur donne des noms), un squelette de T-Rex découvert en 1987 aux USA qui lui, s’est « envolé » à 31,8 millions de $ chez Christies, plus les frais, un os. On s’est demandé qui était l’acheteur, et non ce n’est pas Spielberg. Un petit futé à découvert l’expédition d’une grande caisse de 6 tonnes, assurée pour 31 millions, envoyée de New York à Abu Dhabi… où se construit actuellement le National History Museum, dans le Saadiyat Cultural District, juste à côté du Louvre Abu Dhabi et du futur Guggenheim, entre autres. En allant sur le site de ce futur musée, on apprend que le visiteur pourra y faire sur 35.000 M2 un voyage de 13,8 milliards d’années et sera bien sûr sensibilisé aux défis environnementaux de demain, plutôt d’aujourd’hui.
Pour ceux qui n’ont pas les millions nécessaires pour s’offrir ce squelette, il existe des répliques à l’identiques faites par le Black Hills Institute (BHI), société basée dans le Dakota du Sud qui possédait le T-Rex avant sa vente. Le crâne seul vaut une bonne dizaine de milliers de US$, plus frais d’envoi comme on dit chez Amazon. Allez, emballé, c’est pesé.
Mais pourquoi aller si loin, dépenser sans compter alors que nous avons chez nous, à Bruxelles, sur 3000 m2 la plus belle collection d’Europe consacrée aux dinosaures.
L’Institut Royal des Sciences Naturelles, 29 rue Wautier, vaut la visite, ne fusse que pour voir les mondialement célèbres et admirés iguanodons de Bernissart découverts fin du XIXème siècle, à plus de 300 mètres de profondeurs, dans un charbonnage wallon. Ces 30 là, c’est du vrai, du local, du circuit court, pas du show.
Et en plus, une réplique de Stan, le T-Rex est aussi présentée, complète et au format réel. Ça ne vous coûtera que 13€… maximum !
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