Beaux les masques

En ces temps particuliers, soudainement, le masque est sur toutes les bouches !

TOKYO MASQUECoutumiers du Japon depuis des années, nous ne sommes plus surpris d’y croiser, en rue comme dans les transports, les nippons masqués. Le kafun-sho en est la cause, une allergie aux pollens dont un quart de la population souffre chaque année au printemps. Mais voici qu’un virus couronné masque le monde entier. Sage précaution, bien-sûr. Débuts d’une nouvelle habitude planétaire ? On verra.

L’occasion est parfaite pour nous pencher sur le masque dans l’art. Non pas le masque de protection… mais bien celui du divertissement, du folklore et du rite. Sur tous les continents, dans toutes les cultures, en peinture, sculpture, littérature, théâtre, cinéma, photo, BD, le masque joue à cache-cache. Car c’est est bien là sa fonction première, cacher pour dissimuler mais aussi paradoxalement cacher pour mieux montrer. Certains aiment à se croire autres, à se travestir pour oser dire, faire, séduire, ou faire peur, à se faire passer pour ce qu’ils ne sont pas ou ce qu’ils sont vraiment. Par amusement ou par malice. Car le masque permet tant de dissimulations.

AFRIQUEC’est l’Afrique qui nous en offre les plus remarquables car ils ont toujours des vertus magiques, et sont fabriqués de matériaux naturels, (écorces, bois, plumes, dents, coquillages, pierres, os, peaux, fibres,…) et manufacturés (clous, boulons, pièces de monnaie, tissus, perles de verre…) par tout un chacun pourvu de talent ou de pouvoir surnaturels.

AFRIQUE MASQUESA l’Africa Museum à Tervuren, on peut admirer des masques à l’esthétique remarquable. Mais «envitrinés» , aseptisés, ils ont perdu tout leur sens magique, sacré, ésotérique, initiatique. Leur essence même.

Car, en effet, que comprenons-nous de la culture ancestrale des peuples dits primitifs ? Très peu de choses et c’est normal car il faut avoir vécu une culture pour en saisir les mystères profonds. C’est pourquoi, seul l’aspect esthétique de ces masques nous touche.

Picasso ne faisait pas mieux, lui qui au début du XXème siècle s’est pris de passion pour l’art «nègre» comme on disait alors. L’artiste était subjugué par la beauté des masques et s’en est inspiré dans son travail en continuelle évolution picturale. Pour Picasso, la recherche de formes d’expressions graphiques primait sur le reste. C’est, influencé par ces masques africains qu’il admirait au Musée de l’Homme, qu’il termine en 1907 «les demoiselles d’Avignon» œuvre considérée comme la naissance du cubisme.

PICASSOPicasso restera longtemps amoureux de cet «art africain» et sera influencé par lui, jusque dans les poteries et céramiques de sa période Vallauris.

DUBUFFET HARINGRené Magritte, Paul Klee, Jean Dubuffet, Max Ernst, James Ensor, Francis Bacon, Keith Haring… les plus grands de la peinture contemporaine ne sont pas restés insensibles aux mystères et à la force symbolique des masques africains, océaniens et de carnavals.

ENSOR MAGRITTE KLEEDans notre culture, nos masques sont principalement folkloriques et le plus souvent utilisés lors des carnavals issus de rites antiques et que l’on retrouve également partout dans le monde où la religion catholique a exporté ses rites et coutumes.  Ils sont fabriqués en série, de carton, papier mâché, cire ou plastique et n’ont que très peu de vertus magiques. Ils servent à se travestir pour faire la fête ou pour se sentir lié à une confrérie comme c’est le cas à Binche en Belgique où son carnaval, aussi célèbre que celui de Venise, a été élevé par l’UNESCO au rang de chef-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité. Les premières traces écrites sur le carnaval de Binche remontent à 1394. Mais le Gille n’apparaît dans les écrits qu’en 1795. Il représenterait le citoyen se révoltant contre le régime politique français du Directoire qui voulait interdire le port du masque. Début du XXème siècle, apparaît le masque porté depuis lors par le gille uniquement lors du rondeau matinal du mardi gras.

CARNAVAL BINCHE 2Ce masque, modèle déposé et en vente exclusive à Binche est fabriqué en toile et cire dans l’atelier Pourbaix, dernier artisan binchois à le produire. Il est décoré de lunettes vertes (mode au début du XXème siècle), d’une moustache, d’une barbiche et de favoris à la Napoléon III, représentation typique d’un bourgeois, ce masque que porte tous les gilles, symbolise l’égalité de tous.

En littérature, on pense d’abord à l’Homme au Masque de Fer, ce fameux prisonnier de l’histoire de France superbement contée par Alexandre Dumas, Marcel Pagnol et bien d’autres. On sait maintenant qu’il s’agissait de Louis de Bourbon, comte de Vermandois, fils naturel de Louis XIV, né le 2 octobre 1667, qui fut condamné à un emprisonnement perpétuel pour avoir, à l’âge de 16 ans, donné un soufflet au Dauphin.

De part et d’autre de l’Atlantique, les enfants ont adoré les récits rocambolesques et mystérieux de ces héros masqués que sont Zorro, Fantômas, et Fantômette sa version féminine, Belphégor, le Fantôme de l’Opéra, Batman, Captain America…

Tous ces exploits, d’abord écrits ou dessinés, ont été adaptés au théâtre, en TV comme au cinéma… et continuent à nourrir tant notre imaginaire qu’Hollywood.

LIVRES MASQUES

Pour nous évader virtuellement du confinement actuel, partons ensemble visiter le musée du quai Branly (Jacques Chirac) e-ouvert. C’est gratuit, on y entre ICI.

Et ICI, vous trouverez une sélection très éclectique de masques de tous les continents.

 

LE SAVIEZ-VOUS ?

Connaissez-vous Anonymous, cette communauté d’hacktivistes militants qui utilisent leurs compétences en piratage informatique dans le but de favoriser des changements politiques ou sociétaux.

Vous les avez sûrement déjà vus, ces hackers masqués. Et bien, leur masque est la représentation stylisée de Guy Fawkes (1570-1606), un Anglais membre d’un groupe provincial catholique qui a planifié la Conspiration des poudres de 1605. Le but était de faire exploser la Chambre des Lords pour tuer le roi Jacques 1er d’Angleterre, Anglican (fils de Marie Stuart), et détruire le parlement anglais afin de mettre sur le trône une Catholique, la petite Elisabeth, 9 ans, fille du roi. Dénoncé par un des siens, Fawkes est arrêté, interrogé, torturé. Le 31 janvier 1606, il saute de l’échafaud où il doit être pendu et se tue, évitant ainsi le supplice.

Une représentation stylisée du visage de Fawkes, avec un large sourire, des joues rosées et une large moustache, est conçue par le dessinateur David Lloyd pour la série de bande dessinée V pour Vendetta en 1986. La série est adaptée en film en 2006.

Depuis, ce masque est devenu un symbole de protestation « e-libre » après sa reprise sur des forums Internet puis par le collectif Anonymous et l’Occupy movement, ce mouvement international de protestation sociale qui dénonce principalement les inégalités économiques et sociales.

 

Brigitte & Jean Jacques Evrard
p.art.ages@proximus.be

 

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