Dehors, dedans, sur écrans, en magazines, au shopping, dans les musées, partout, nous sommes entourés d’images. Œuvres d’art, logos de sociétés, photos publicitaires, d’actualités, de mode, de personnes… Partout, tout le temps, chacun veut montrer aux autres ce qu’il fait, ce qu’il vend, ce qu’il mange, ce qu’il aime, ce qu’il crée…
Ici à p.art.ages, nous n’y échappons pas. Donc vous, chers lecteurs, non plus !
Il existe toutefois une grande différence entre ce qui représente la réalité telle qu’elle est et une réalité transcendée, réinventée, travestie, cachée, métamorphosée, re-créée. Voilà ce qui nous intéresse aujourd’hui, les artistes qui ne dévoilent certains messages qu’à ceux qui peuvent voir au second ou troisième degré.
Il faut savoir que quand nous regardons des formes indéfinies, comme les nuages, les montagnes, la fumée,… notre cerveau les interprète et y découvre des images reconnaissables. Le nuage devient un cochon, la falaise un visage, la fumée un fantôme. Ce phénomène d’illusion d’optique s’appelle la paréidolie. Qui se manifeste aussi quand on regarde des œuvres abstraites.
Antequera près de Malaga dans le sud espagnol, était habitée il y a 4000 ans par des populations qui y élevèrent des dolmens remarquables que l’on peut encore visiter. L’ouverture de l’un deux (dolmen de Menga), et ce n’est pas par hasard, fait face à ce qui est appelé aujourd’hui le Peña de los Enamorados (le Rocher des Amoureux) dont la silhouette fait penser à un visage de profil, regardant le ciel. Cette petite montagne, isolée dans la plaine, est aussi appelée Montaña del Indio (Montagne de l’Indien). Il y a fort à parier que nos lointains ancêtres voyaient aussi, par paréidolie, ce visage et lui attribuaient quelques pouvoirs divins.
Mais il n’y a pas que la nature qui joue des tours à notre cerveau, les artistes ne sont pas en reste car eux, c’est intentionnellement qu’ils bernent nos sens.
Salvador Dali aimait à jouer avec les images, qu’avec son immense talent il façonnait pour tromper le spectateur peu attentif. Regardez attentivement ce tableau appelé « le Marché aux Esclaves » et y voyez-vous… le buste de Voltaire ? Oui, non ? ça y est. Maintenant vous ne pouvez plus ne pas le voir. Votre cerveau a enregistré l’ambiguïté visuelle.
Et ce crâne… que votre œil voit en premier, se transforme en tête à tête de Pierrot et sa dulcinée. Plus rare, cette photo très ancienne d’un couple et son bébé. Mais où est le petit enfant ? Entre ses parents. Mais non, c’est une grand visage d’homme aux cheveux bouclés vu de profil. Vous, qu’y voyez-vous, bambin ou visage ? Regardez-bien.
Ce dessin de 1915 par William Hill baptisé «Ma femme et ma belle-mère» montre à la fois une jeune et une très vieille femme. Il paraît que, selon votre âge, vous verrez la belle ou la laide mais jamais les deux à la fois. Mais si vous voyez les deux, tour à tour, tout espoir n’est pas perdu !
D’autres artistes n’ont pas l’esprit aussi tordu mais sont des maîtres de l’illusion, du trompe l’œil. Giuseppe Arcimboldo en est sans doute la tête de file, avec ses portraits anthropomorphes des quatre saisons, des quatre éléments de la justice et autres portraits nous montrent des visages composés de plantes, légumes, fruits, animaux ou objets de décoration. Son œuvre la plus caractéristique mais aussi énigmatique s’intitule « le cuisinier ».
Peinte vers 1570, et présentée à l’endroit, elle nous montre des viandes rôties dans un plat en étain. Mais c’est une fois retournée, le bas en haut, qu’elle révèle l’illusion. Car on y voit la tête d’un cuisinier. Magistral tour de passe-passe visuel. Il a fait de même avec un panier de fruit et un autre en plateau de légumes (le jardinier). Et dans ce dernier, pour ceux et celles de vous qui peuvent voir au 3ème degré, vous aurez remarqué l’illusion à la fertilité par les formes suggestives des organes sexuels masculin et féminin savamment rapprochés.
Un des plus fervents admirateurs de ce peintre du 16ème siècle n’était autre que Salvador Dali. Qui en aurait douté ?
Notre passé de designers nous a aussi aidé à découvrir des images cachées, dans des logos, dans des emballages. Nous partageons ici nos découvertes avec vous.
Voyez-vous la flèche dans le logo FedEx ?, l’ours dans le mont Cervin de Toblerone, le cycliste dans le tour de France, la tour Eiffel dans les Galeries Lafayette, le 31 dans Baskin Robbins la marque de glaces aux 31 saveurs, le gorille et le lion dans le logo du zoo, le manneken-pis sur le paquet de Camel ou, plus facile, le C dans le logo Carrefour ?
Pour ce sachet de snack salé, Tiger Nuts de la marque Lays, le designer était vraiment inspiré (et très talentueux), car il a su avec les lettres de la marque, créer le visage du tigre.
La palme revient à notre ami designer chinois Tiger Pan de Shenzhen. Pour un paquet de cigarettes de la marque Kungfu, il a représenté le visage de Bruce Lee. Rien de bien particulier direz-vous.
Mais à y regarder de plus près, on découvre, oh miracle, 12 personnages, chacun dans une pose typique de cet art martial chinois. Vous pouvez en être certain, pour créer ce type d’image, faite d’autres images, il faut un immense talent de dessinateur et une créativité sans bornes.
LE SAVIEZ-VOUS ?
L’Origine du Monde, tableau peint par Gustave Courbet en 1866, a été commandé par Khalil-Bey, diplomate turc, grand collectionneur de tableaux érotiques. Trois années plus tard, l’ambassadeur fait faillite et doit vendre sa collection de 68 tableaux. Mais il n’en garde qu’un, vous avez deviné lequel. Il emmène avec lui le tableau à Constantinople puis retour à Paris. En 1889, l’œuvre passe dans les mains d’un antiquaire, Antoine de La Narde, qui de peur de l’exposer aux yeux de tous, le masque avec un autre tableau d’un même format, de Courbet également, représentant un château dans un paysage de neige. Moins chaud en effet. Puis on perd la trace du tableau jusqu’en 1913 quand il est acheté (toujours accompagné de son «masque» par le baron Mor Lipot Herzog, qui emporte les deux œuvres dans sa Hongrie natale où il cède le tableau à un compatriote, le baron François de Hatvany collectionneur et peintre. En 1944, les nazis envahissent la Hongrie et de Hatvany étant Juif, il fait déposer sa collection dans diverses banques sous des noms de Hongrois de confiance, sage précaution. A l’arrivée des forces russes, les banques sont pillées et l’Origine du Monde s’en va à l’Est. Mais le baron de Hatvany ayant miraculeusement échappé aux mains des nazis, récupère le tableau, et le vend ainsi que d’autres œuvres retrouvées de sa collection à un marchand qui rejoint Paris avec sa famille. On ne retrouve trace du tableau qu’en 1955 quand le psychanalyste Jacques Lacan achète l’œuvre et demande à son beau-frère, le peintre André Masson, de construire un cadre à double fond et de peindre une autre œuvre par-dessus. Celui-ci réalise une version surréaliste de L’Origine du monde, intitulée Terre érotique, bien moins réaliste.
Après la mort de Lacan en 1981, puis de son épouse Sylvia Bataille-Lacan en 1993, l’Etat français accepte que les droits de succession soient réglés par dation du tableau de Courbet au Musée d’Orsay où il est maintenant exposé, sans cache, aux yeux de tous les visiteurs.
Au début, un gardien avait pour mission de protéger ce seul tableau et d’observer les réactions des visiteurs. Noble tâche.
Le sulfureux tableau a inspiré plus d’un artiste, et même une jeune plasticienne luxembourgeoise qui le 29 mai 2014 s’est exhibée dévêtue, jambes écartées, dans la pose du modèle du tableau sous le regard stupéfait des visiteurs, avant d’être évacuée par des gardiens et la police appelée en renfort. Cocasse. Lisez le compte-rendu ici.
A noter aussi, une œuvre plagiaire de l’artiste Orlan appelée « les Origines de la Guerre » photo d’un homme aux jambes écartées, phallus en érection, dans la position exacte du tableau de Courbet. Picturale métaphore.
P.S. Ne postez pas ces photos sur votre page Facebook, Monsieur Montagne de Sucre, serait fâché et votre compte supprimé.
Oh bel article !
Je suis paréidole depuis l’enfance et je ne le savais pas ! Merci
Chatouille
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Fabuleux, je suis paréidolique et je l’ignorais !!! Sauf Manneken Pis, qui se refuse à moi !!!
Passionnant, et, comme à chaque fois, je dirai: mais où allez-vous chercher tout cela ? Un ravissement… Merci.
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