Alors que dans 6 mois vous dégusterez la dinde aux marrons et la bûche au chocolat noir, Pierre Soulages fêtera lui son centième anniversaire. Il est né le 24 décembre 1919.
Soulages, artiste majeur du XXème siècle est un des rares, avec Pierre Alechinsky (91 ans), toujours en vie à ce jour, à avoir traversé – et influencé – le siècle de l’art abstrait. La particularité de l’œuvre de Pierre Soulages tient dans l’étude obsessionnelle du noir. Il suffit de chercher les tableaux du peintre sur Google image pour s’en rendre compte.
Nous sommes particulièrement sensibles à une période précise de sa quête du noir, quand juste après la guerre il décide de peindre sur papier, au brou de noix, à l’encre de Chine ou au goudron avec de grands pinceaux.
L’artiste disait alors : «J’étais tourmenté par la peinture traditionnelle avec ses techniques […] et ses petits pinceaux luxueux réservés aux artistes peintres. Chez un marchand de couleurs, j’y ai acheté des brosses de peintre en bâtiment, en soie ordinaire, très larges, conçues tout autrement […]. Comme un peintre en bâtiment, je souhaitais travailler avec une masse de peinture déjà prête. J’ai eu envie de me servir de grandes jarres de peinture, et c’est ainsi qu’en 1947 j’ai choisi le brou de noix. J’aimais sa puissance de couleur sombre et chaude et j’aimais aussi que ce soit une matière banale et bon marché »
On doit à Pierre Soulages des œuvres abstraites magnifiques, aux formes énergiques entre la calligraphie asiatique maîtrisée et le geste spontané. Il se dégage de ses créations une force mystérieuse qui semble venir de ce deuxième cerveau que l’on doit sans doute avoir dans le ventre. Il nous offre le geste archétypal venu de la nuit des temps, sans race, ni époque. Et on peut rester des heures à regarder ses œuvres qui nous parlent au plus profond de notre être, et nous renvoient à nos origines.
Le musée Pierre Soulages se trouve à Rodez dans le sud de la France, un must à visiter.
Pour célébrer son 110ème anniversaire, la marque Bugatti a présenté en mars dernier au salon de Genève un modèle unique qui en fait la voiture la plus chère au monde (16,7 millions d’euros), baptisée sobrement « la voiture noire ».
Coco Chanel puis dans son sillage le génial Karl Lagerfeld se sont toujours affirmés en ambassadeur du noir qui est souvent la couleur préférée des designers, peut-être parce qu’elle est toutes les couleurs à la fois et qu’elle fait toujours chanter les couleurs qu’elle accompagne. Il suffit de voir une page d’un album de Tintin avant et après l’ajout du noir pour comprendre nos propos.
En symbolique, le noir exprime la profondeur infinie (eaux noires, trou noir), l’occulte (messe noire, mafia dite aussi la main noire, drapeau des pirates), le mystère (l’œuvre au noir, magie noire), l’illégal (travail au noir, argent noir, marché noir), le négatif évidement (misère noire, série noire, liste noire, mouton noir, broyer du noir, idées noires (merci André Franquin), le dénigrement (de negro) l’exceptionnel (l’or noir, l’aigle noir, le deuil). On constate aussi que le noir, exprime la rigueur, la discipline, l’autorité et l’austérité, couleur de l’habit de 
l’avocat et du curé,
C’est pourquoi aussi l’arbitre de foot, appelé à prendre des décisions, et à sévir, est souvent habillé de noir en opposition aux couleurs chatoyantes des joueurs. Et que les lignes de jeu sont blanches pour exprimer la pure neutralité de leurs intentions.
Le blanc justement signifie la pureté (robe de mariée), la lumière, la virginité, la féminité, la simplicité, la faiblesse (oie blanche, tirer à blanc), la reddition (drapeau blanc), le non-consommé (nuit blanche, mariage blanc)… Vous constaterez que l’adjectif « noir » est beaucoup plus utilisé que son opposé; point de série blanche, magie blanche, misère blanche, argent blanc, idées blanches, travail au blanc, broyer du blanc, trou blanc,… troublant non ?
C’est dans la faune que nous trouvons les plus beaux spécimens ou tout noirs, ou tout blancs, cygnes, lapins, chats, ours, chiens, panthères,… arborent fièrement leur parti pris noir ou blanc. Mais les plus parfaits, les plus élégants, les plus «design» sont sans doute ceux qui opposent le noir au blanc. Le zèbre, l’orque, le dalmatien, la pie ont séduit plus d’un par leur fière apparence.
On doit à Victor Vasarely, père de l’art optique, un étonnant tableau noir et blanc.
Quand l’humain veut exprimer les contrastes, automatiquement il se sert du noir et blanc. Observez le chemin initiatique qu’est le grand labyrinthe de la cathédrale de Chartres. Voyez le jeu d’échec ou de dame, le carrelage en damier des loges maçonniques, le drapeau d’arrivée en F1, les touches d’un piano. Les chinois représentent le Ying & Yang en noir et blanc tout comme les 8 signes du Feng Shui.
Et dans la mort, pourquoi le linceul est-il blanc, alors que le corbillard est noir, pour que nos cendres soient grises ?… Mystère.
LE SAVIEZ-VOUS ?
Il y a des années, Braun, la grande marque allemande de rasoirs électriques proposait des versions noires ou blanches de son Sixtant BM (1967). Mais les rasoirs blancs se vendaient moins bien que les noirs. Une étude a démontré que les consommateurs trouvaient les blancs trop légers, fragiles, peu robustes et qu’en plus ils tenaient mal en main. Alors, qu’excepté leur couleur, ils étaient en tous points identiques.
La couleur influe donc sur nos jugements. Mangeriez-vous un yaourt gris foncé ? Imaginez-vous un schtroumpf orange ? Un SS tout de rose vêtu ? Un corbillard vert pomme ? Un oeuf sur le plat bleu ?
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