Le hasard des voyages nous a fait visiter, à deux semaines d’intervalle, la cité de Manhattan à New York puis celle de San Gimignano en Toscane. A première vue aucun lien entre ces deux agglomérations, la première moderne et hystérique, gigantesque, grouillante, bruyante et trépidante, en activité jour et nuit… la seconde, ancienne et historique, petite, modeste, calme, vivante le jour, dormante la nuit.
Mais le séjour dans la Big Apple nous a fait prendre conscience du changement spectaculaire de son skyline, dû à la profusion de nouvelles constructions. Rien qu’entre la 59ème rue (sud de Central Park) et la 23ème (Flat Iron Building) nous avons compté pas moins de 60 chantiers en cours. Peut-être rien d’étonnant à cela dans cette ville de tous les superlatifs si ce n’est le style de ces nouvelles architectures. Les terrains libres étant inexistants dans Manhattan, c’est par la destruction d’anciennes constructions que la cité phénix se régénère. Et hasard ou volonté, les nouveaux espaces libres sont relativement petits, ce qui oblige à la construction de tours très étroites, rendue aujourd’hui possible grâce aux techniques architecturales de plus en plus performantes et sophistiquées, permettant des hauteurs dépassant les 250 mètres (Central Park South) et jusqu’à plus de 425 mètres pour le 432 Park Avenue la plus haute de ces chandelles et plus haut bâtiment résidentiel au monde. Mais derrière ces possibilités matérielles et splendides prouesses architecturales, se cachent bien des travers humains, tels la vanité, la prétention, l’arrogance, la mégalomanie, l’orgueil…
En effet, 22 de ces tours, terminées ou encore en construction, sont destinées principalement à l’habitat. Et les prix des penthouses, duplex, triplex, quadruplex… dépassent les 50 millions de $, allant même pour certains au-dessus de 200 millions, vous avez bien lu. Qui achète ? Des Russes, des Chinois, des Saoudiens, et des Américains bien sûr. Alors que durant des siècles, les humains ont construit en hauteur à la gloire de leurs dieux, qu’est-ce qui les pousse aujourd’hui à vouloir vivre plus haut que leurs semblables, sinon un complexe de supériorité (ou pire leur auto-déification), cela même qui poussait les édiles, riches commerçants ou nantis à se faire construire des maisons-tours dans la Toscane moyenâgeuseSan Gimignano au Moyen-Age et aujourd’hui.
Vers l’an 1200, Florence en comptait 167 dont la plus haute s’élevait à plus de 70 mètres. Pérouse en avait plus de 50, San Gimignano plus de 75. Il n’en reste là que 14 aujourd’hui. Toutes les autres n’ont pas résisté à l’assaut du temps, ni aux lois qui ont souvent tenté de freiner l’arrogance de ceux qui voulaient défier le pouvoir en place, civil comme religieux. Qu’en sera-t-il des tours de Manhattan dans quelques siècles ? Paraitront-elles petites au côté des plus folles encore que construiront les Chinois ? Seront-elles abandonnées et livrées au squatters, ou simplement détruites comme l’ont été le 11 septembre 2001 les tours jumelles de WTC qui, faux semblant de Jakin et Boaz, marquaient l’entrée du temple de l’argent à proximité de Wall Street ?
Depuis toujours les civilisations en expansion tombent toutes dans le même travers, montrer leur puissance en construisant haut, toujours plus haut. Aujourd’hui plus encore. Shanghai, Dubaï, Shenzhen, Séoul, Taïpei, se font la course à qui aura la plus grande. Actuellement la Burj Khalifa à Dubaï est en tête, mais c’était sans compter sur l’Arabie Saoudite voisine qui investit à Djeddah plus d’un milliard de $ pour construire la Kingdom Tower qui regardera du haut de ses 1001 mètres, ce minus de Burj Khalifa, ses 163 étages et ses petits 823 mètres. Babel a plus d’une tour dans son sac.
LE SAVIEZ-VOUS ?
La verticalité, symbole de dynamisme.
Le 25 août 1830, au théâtre de la Monnaie de Bruxelles, une représentation de la Muette de Portici, opéra qui exalte le sens patriotique et le sentiment de liberté, déclenche des émeutes qui initient la révolution belge et par là la création de la Belgique.
Nouveau pays, nouveau drapeau. Vite fait, bien fait, certains adoptent le drapeau français.
Edouard Ducpétiaux écrit : «En 1830, dès le premier jour des troubles et lorsque les troupes néerlandaises étaient refoulées vers le haut de la ville, on arbora, à Bruxelles, sur plusieurs points, le drapeau tricolore français. Mais cette manifestation, due aux agents français qui essayaient alors d’entraîner la population, fut répudiée par un cri unanime de réprobation»
Le 26, il se charge de faire disparaître les drapeaux français et se rend chez Marie Abts, propriétaire d’une mercerie au coin de la rue de la Colline et de la rue Marché aux Herbes à deux pas de la Grand-Place, pour lui faire confectionner quelques drapeaux constitués de 3 bandes de tissus, une rouge, une jaune, une noire… horizontalement ! Ce sont les tout premiers drapeaux «officiels» de la très jeune Belgique.
Un petit peu plus tard, certains trouvant la disposition horizontale par trop conservative, optèrent pour des bandes verticales, plus aptes à symboliser le dynamisme de la jeune nation. Pour se rapprocher de l’esprit révolutionnaire français et s’éloigner du conservatisme hollandais.
La mercerie est aujourd’hui un fast-food Panos, mais la plaque commémorative est toujours bien en place. Ne manquez pas d’y jeter un oeil la prochaine fois que vous visiterez la Grand-Place, merveille des merveilles.
La version actuelle du drapeau belge, avec ses 3 bandes verticales noir-jaune-rouge a été officiellement adoptée le 12 octobre 1831.
L’histoire – – un éternel recommencement. . .
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Encore un partage original, instructif, élégamment écrit et documenté, bravo les art-istes, et merci !
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Difficile de mieux l’exprimer !!!
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