Il est musicien, pianiste, compositeur, chef de chant, producteur, animateur radio, mais pas que. Il est créatif, curieux, observateur, éveillé, talentueux, mais bien plus. Il parle bien, ne se prend jamais au sérieux, manie l’humour autant que la baguette, mais si bien. Si vous êtes un des fidèles auditeurs de Musiq3, vous l’aurez reconnu. Si pas, voici l’occasion de rencontrer Patrick Leterme, en airs et en notes.
Pour ce tout premier p.art.ages que nous consacrons à la musique, rien de mieux que les JSPV… ji-es-pé-vé, pour Je Sais Pas Vous, une des nombreuses créations de Patrick Leterme. Dans le jargon TV, on appelle cela des capsules. Des séquences de quelques minutes destinées tant à éduquer qu’à divertir. Ces JSPV sont des petits bijoux où, en dessins, lettrages, animations, anecdotes, do-ré-mi et humour, Patrick Leterme aux commandes, Etienne Duval aux markers, des œuvres musicales sont croquées avec justesse, simplicité, décalage et créativité. Ils n’essaient pas de nous bluffer, moins encore de nous prendre pour des nuls, et ils nous font voir, entendre et comprendre la musique de très agréable et distrayante façon. Tout un art. Chapeau.
Pour clôturer en apothéose cette musicale série d’une centaine de «Je Sais Pas Vous», une capsule XXL de 12 minutes et 19 secondes nous fait voyager dans l’histoire de la musique, de l’an moins cent à nos jours, du chant grégorien aux klaxons de Rapsody in Blue, de l’opéra de Monteverdi à la musique sérielle de Philip Glass en passant par tous les grands, Antonio, Jean-Sébastien, Wolfgang, Ludwig, Sergueï, Maurice et tant d’autres.
Dès le début de ce film, Patrick Leterme nous présente derechef «un imbécile de première classe» a qui on doit beaucoup. Ça commence bien ! Puis de style en style, il nous invite à parcourir, en extraits sonores et dessins, deux millénaires de musique… polyphonie, sonate, contrepoint, symphonie, lieder, rapsodie, valse, opéra, bel canto, bolero, blues, jazz,… tout y passe en un sublime patchwork musical.
739 secondes que nous vous engageons à regardécouter maintenant!
Sur la page Facebook de Musiq3
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Sur Auvio si vous y avez un compte
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Sur les 100 JSPV, nous vous en avons sélectionné quelques-uns.
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https://www.youtube.com/watch?v=tc-FXef6luI
https://www.youtube.com/watch?v=n9TSlVhQ8Yc
https://www.youtube.com/watch?v=J8qWiqZNw4w&t=44s
https://www.youtube.com/watch?v=NEbgSXop8Cc
LE SAVIEZ-VOUS ?
Le 28 décembre 1937, Maurice Ravel s’éteint. Il lègue, à son frère Edouard, sa fortune et ses droits d’auteur. En 1954, Edouard engage Jeanne Taverne, masseuse de son état. Son mari, Alexandre, devient -pourquoi pas- chauffeur du riche héritier. Edouard, veuf et sans enfants, fait de sa masseuse sa légataire universelle. Quand, le 5 avril 1960, Edouard trépasse, le chauffeur et la masseuse, bien que n’ayant aucun lien de parenté avec Ravel, se retrouvent héritiers du célèbre compositeur. Et de fait des droits sur ses oeuvres. Bingo-Boléro.
Justement, le Boléro est alors la création musicale française le plus jouée au monde. On peut l’entendre en moyenne tous les quarts d’heure. Les petits-cousins de Ravel ont beau revendiquer leurs droits, accusant les époux Taverne de captation d’héritage, rien n’y fait, ils sont chaque fois déboutés.
Mais ce n’est pas fini. En 64, après le décès de sa masseuse de femme, Alexandre le chauffeur se remarie avec Georgette Lergo, manucure. Elle a un enfant d’un premier mariage, Evelyne. En 1973, c’est le chauffeur qui trépasse. En 2012, c’est le tour de la manucure. Voilà donc Evelyne, Pen de Castel du nom de son géniteur, premier mari de Georgette, qui hérite. Vous avez saisi ? Evelyne est la fille de la seconde épouse du mari de la masseuse du frère de Maurice Ravel.
Elle n’a pas trop de soucis de fin de mois la petite Evelyne. Devenue résidente suisse, le boléro a lui seul, lui rapporte annuellement plus d’un million d’euros. Pactole qui échappe au fisc français car la douce Evelyne et son mari le pianiste Michel Sogny, ont eu la bonne idée de créer à Malte, 10 ans plus tôt, une société de perception de droits, elle-même chapeautée par une holding immatriculée à Amsterdam. On n’est jamais trop prudent. De son côté, Jean-Jacques Lemoine, ancien directeur de la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) avait créé à Monaco, pour échapper au fisc, une société qui percevait 10% des droits du Boléro, tiens, tiens. On sait tout cela suite au scandale des « Paradise Papers »

Mais l’histoire ne s’arrête pas encore là. Le droit d’auteur qui était, à l’origine, destiné à protéger les intérêts des auteurs et leurs ayant droits pendant 50 ans, a été prolongé à 70 ans par les bons soins de Jack Lang, quand il était ministre de la culture. A ces 70 ans s’ajoutent 14 ans et 272 jours pour les créations d’avant la fin de la première Guerre, et 8 ans et 120 jours pour la seconde. Donc le 1er mai 2016, 78 ans et 120 jours après la mort de Maurice Ravel, le très lucratif Boléro tombe dans le domaine public et devient «libre de droits». Cependant 5 jours avant cette date fatidique, rebondissement. Apparaissent les héritiers du sieur Alexandre Benois. C’est qui celui-là ? Il faut savoir que la première du Boléro, le 22 novembre 1928 à l’Opéra Garnier, était une œuvre commandée par une ex-danseuse, devenue mécène, dame Ida Rubinstein, pour un spectacle qu’elle comptait présenter avec sa troupe et dont les décors étaient signés par Alexandre Benois… le Boléro serait donc une œuvre collective, et Benois étant décédé en 1960, les droits d’Evelyne, plus ceux des héritiers de Benois, devraient être prolongés jusqu’en 2039.
Actuellement, chaque fois que le Boléro est joué ou diffusé, plus un centime ne tinte dans les poches, déjà bien remplies, d’Evelyne et son pianiste de mari. Mais l’action «Benois» est toujours en attente du jugement que devait rendre en 2019 le tribunal de grande instance de Nanterre. A ce jour, rien ne sort. Plus de 20 millions sont en jeu. A suivre donc.
Espérons quand même qu’une telle saga ne viendra pas ternir l’héritage des œuvres du tant regretté Johnny.
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