Carte de voeux, je veux.

Décembre 1843. Sir Henri Cole est anxieux, très anxieux. Il est homme poli, bien éduqué, à cheval sur les principes, respectueux des règles. Directeur du célèbre musée Victoria & Albert de Londres, Sir Henri Cole compte de plus en plus d’amis qui, tous, lui envoient leurs vœux pour les fêtes de fin d’année. Car nous sommes dans la moitié du 19ème siècle et les postes anglaises ont inventé le timbre-poste!  Il coûte un pence, baptisé Penny-Black, payable non plus par le destinataire mais bien par l’expéditeur, une nouveauté, une révolution. Plus besoin de prendre les services d’un porteur pour expédier ses lettres et ses voeux, à pieds ou à cheval. Maintenant les postes s’en chargent, pour peu d’argent, rapidement. Cela devient si facile que les missives pleuvent par dizaines, tous les jours de cette fin d’année 1843, sur le bureau de Sir Henri Cole.

Notre homme bien éduqué est angoissé car il veut, mais ne sait comment, répondre à toutes ces lettres. Lui vient alors une idée géniale. Il appelle John Callcott Horsley, un artiste de sa connaissance et lui demande de réaliser une illustration représentant trois générations d’une famille célébrant Noël. Avec au-dessus, un espace libre pour pouvoir écrire le nom d’une personne, au centre un texte qui dit «A MERRY CHRISTMAS AND A HAPPY NEW YEAR TO YOU» ce qui veux dire en Français «Joyeux Noël et Bonne Année à vous», et en-dessous une place pour la signature. Puis il passe commande, à un autre ami, imprimeur, de 1000 cartes en noir et blanc sur un beau papier cartonné. Chaque carte lui coûte 5 pence. Et, tant qu’à faire, quelques-unes sont coloriées à la main, pour 1 pence supplémentaire.

C’est ainsi qu’est née la toute première carte de vœux du monde.

Bien surprenant: une mère donne à boire du vin à son tout petit…
autres temps, autres moeurs.

Près de 30 ans plus tard, en 1875, un émigré prussien, imprimeur à Boston aux USA, reprit l’idée de Sir Henry Cole, et commença à produire des cartes spéciales pour Noël, illustrées non pas de crèches ou représentation de fêtes mais bien de fleurs aux couleurs vives, d’animaux ou de scènes de la nature en automne et avec comme simple texte : Joyeux Noël.

Mr. Hall
Joyce C. Hall

Ce n’est vraiment qu’en 1915, à Kansas City, qu’une jeune société d’impression de cartes postales touristiques, la Hall Brothers Company, a édité une série de cartes spéciales pour Noël et le Nouvel An. Son fondateur, Joyce C. Hall, avait une mission, un rêve, celui de permettre aux gens de garder le contact avec leur proches, surtout dans un pays aussi vaste que les USA, à une époque où les voyages étaient lents et coûteux.

HALLMARK LOGO

Avec ses frères, Rollie et William, Joyce Hall développa rapidement le marché de la carte de vœux en 4 pages, adopta un format standard de 13 x 8 cm et généralisa la carte pliée en 2, insérée dans une enveloppe. En 1925, les trois frères changèrent le nom de la société en Hallmark… que tout le monde connaît aujourd’hui. Un siècle après sa création, Hallmark reste la plus grande société productrice de cartes de vœux au monde et est toujours, à ce jour, une société familiale non cotée en bourse avec à sa tête, Donald J. Hall Jr, le petit-fils du fondateur. Hallmark est présente dans une centaine de pays, édite ses cartes en plus de trente langues, emploie 16.000 personnes pour un chiffre d’affaires de 4 milliards de US$ et a toujours son siège à Kansas City.

Aujourd’hui encore, le format des premières cartes reste la norme. Le style graphique évolue peu, étoile du berger, père Noël en costume rouge, arabesques en dorure, messages chaleureux… la tradition. Mais une tradition qui se perd, attaquée par le digital et ses e-cards soit disant personnelles mais si éphémères. Le temps est passé où les cartes de vœux, signées des parents et amis, étaient déposées sur la cheminée, au pied du sapin ou punaisées sur la porte de la cuisine…. La carte virtuelle a remplacé la belle impression sur carton vergé et ses dorures gaufrées. L’écran a remplacé la boîte aux lettres. La touche «enter» de l’ordinateur a remplacé le timbre-poste.

Le facile gratuit a donc remplacé l’effort coûtant.

Cela dit, et du fond du coeur, joyeuses fêtes quand même !

LE SAVIEZ-VOUS ?

CHRISTMAS 1962

Alors que les cartes de vœux existaient depuis le 19ème siècle, il a fallu attendre 1962 pour pouvoir coller un timbre-poste spécial Noël sur son courrier. Suite au succès des timbres édités spécialement pour les vacances d’été, US Mail, les postes américaines, lancèrent le 4 cents spécial Noël. Imprimé en vert et rouge, il montre une couronne, deux bougies et la mention « Christmas 1962 ». Le stock initial, tiré à 350.000 exemplaires, vite épuisé, a poussé l’administration à en imprimer d’avantage… avant la fin de l’année, un milliard de timbres avaient été produits et distribués.

Toutefois, la décision d’imprimer un timbre de Noël a rencontré une certaine controverse, en particulier de la part de groupes soucieux de maintenir la séparation de l’Église et de l’État. Ils voyaient trop de signes « religieux » dans l’illustration (bougies, couronne). Il y eut même des actions en justice pour interdire ce timbre, actions sans suites.

CHRISTMAS 1963
CHRISTMAS 1964

En 1963 et 64, les timbres spéciaux ont été plus politiquement corrects, sans référence à la religion. Un sapin, du gui, du houx, une rose de Noël, une pomme de pin… pas de quoi énerver le moindre dogmatique.

Mais en 1965, nouveau tolé. Sur le nouveau timbre-poste de Noël, une illustration inspirée d’une girouette de la Nouvel Angleterre, montre l’archange Gabriel, soufflant dans sa fameuse trompette. Car à bien y regarder, l’archange a de la poitrine… c’est donc une femme. Sacrilège. Il avaient donc lu Molière ces Américains, à la chasse aux coupables pensées.

CHRISTMAS 1965 1967En 1968, chat échaudé craignant l’eau froide (même bénite), l’US Mail choisit de reproduire un tableau de Jan Van Eyck, exposé à la National Gallery de Washington… Sans doute en raison de la prestigieuse provenance de la peinture, le timbre de 1968 n’a suscité aucune divine ou civile colère, bien que son Gabriel n’avait pas l’air bien viril, on en conviendra ! Cela dit, discuter du sexe des anges ne nous rendra pas Sainte Sophie, ni n’empêchera le prix des timbres d’augmenter chaque année.

Brigitte & Jean Jacques Evrard
p.art.ages@proximus.be

Un commentaire sur “Carte de voeux, je veux.

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  1. Merci pour vos articles toujours sympas à découvrir. Et sachez que, grâce aux applications mobiles, la carte de vœux personnalisée est de nouveau à la mode ! Surtout pour la nouvelle génération de parents comme nous. En quelques clics, c’est envoyé. Bisous

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