En occident, en quelques semaines, il est devenu le héros, celui dont tout le monde parle et que chacun veut posséder. Alors qu’il était jugé inutile quand il n’y en avait pas pour tous, il va devenir obligatoire quand les stocks seront suffisants. Le masque, c’est bien sûr de lui qu’il s’agit, est devenu icône, centre de toutes les attentions et vedette des réseaux sociaux, émissions de télé et même de la presse papier. Si le masque est majoritairement relaté et exposé, on remarque également d’autres sources d’inspiration comme l’apparence du virus lui-même, la solitude qu’impose le confinement, parfois l’humour, ou simplement un message texte.
Il nous a semblé intéressant de récolter quelques couvertures de magazines dans le monde qui font leur « une » sur la pandémie Covid-19 et par là de découvrir comment certaines rédactions font preuve de créativité. Si la plupart des périodiques affichent une photo en couverture, quelques-uns ont fait le choix de l’illustration ou du montage-photo, moyens plus difficiles et souvent plus coûteux mais beaucoup plus créatifs et percutants. Il est en effet plus aisé, pour un illustrateur, de créer des visuels attractifs, originaux, humoristiques, intrigants ou improbables quand rien ne le contraint à représenter la réalité. L’artiste peut lâcher toute sa créativité, sans investir autre chose que son temps. Car son temps est assez court, entre la décision du comité de rédaction et du choix de la « une », il n’a souvent que quelques jours, parfois même quelques heures.
Quand la technique habituelle du magazine est la photo (et c’est le cas pour une grande majorité), les graphistes qui sont chargés des images doivent d’abord trouver une idée, la faire valider puis mettre en œuvre la prise de vue, choisir les mannequins et les accessoires, pour faire enfin le shooting. Il leur reste bien sûr la solution de trouver une photo existante, prise «en live»… à condition qu’elle leur soit exclusive.
Voici quelques exemples remarquables réunis en ce 17 avril 2020 :
La tentation de la facilité… il s’agit de montrer un personnage portant un masque, cadré serré et de remplacer ou d’illustrer le masque d’un drapeau ou autre élément que l’on veut mettre en avant.
L’utilisation de la photo part du même principe de facilité et les couvertures de ces magazines ont beaucoup d’impact en rayon mais peu de créativité sauf pour la couverture du Vogue Portugal qui met en scène un couple qui s’embrasse masqué.
Chez p.art.ages nous sommes sensibles aux couvertures qui utilisent des œuvres d’art connues. Ce n’est bien sûr pas vraiment très nouveau, mais ces détournements sont toujours interpellants.
Sur ces couvertures, du texte, et rien que du texte. C’est créatif, fort, direct. Une excellente façon d’associer les rédacteurs et les graphistes. Avec un bravo spécial au Don’t Panic et son « Don’t » barré.
Certaines rédactions n’ont pas misé sur le masque. Elle sont actuellement plus rares, mais assez créatives. Bientôt, le masque en lassera plus d’un et les graphistes devront innover. Qui vivra verra!
Plusieurs magazines ont choisi le confinement, la distanciation sociale et la solitude. Tablet, avec le pape vu de dos devant la place St-Pierre vide, Time avec cette femme seule, isolée derrière sa fenêtre ou un des périphériques de Pékin vide de toutes voitures, tous expriment parfaitement le sujet.
Pour terminer, les couvertures dessinées, les plus créatives, celles qu’il serait impossible de réaliser autrement qu’en dessin. On imagine pas, David Remnick, rédacteur en chef du New Yorker Magazine, aller demander à ce cher Donald de poser avec un masque sur les yeux.
La palme revient certainement à cette couverture du New Yorker signée Brian Stauffer’s. On y voit la tête de l’actuel locataire de la Maison Blanche plein cadre, en très gros plan, allant même jusqu’à cacher une partie du titre, qui plus est, vociférant, agressif. Il porte un masque mais d’une façon singulière. Qu’en déduire ? Qu’il est stupide et ne connaît pas la fonction réelle du masque ? Qu’il ne veut pas voir la pandémie qui frappe le monde et son pays ? Qu’il est aveugle à tout sauf à ses propres idées, qu’il crie bien fort ? Qu’un président doit être un guide qui doit mener son peuple là où il faut mais qu’on ne va nulle part avec un chef aveugle? Chacun trouvera la réponse qui lui convient. Mais de toutes les couvertures de magazines parues dernièrement, celle-ci est sans conteste la plus impactante, la plus intelligente car elle renferme en une seule image 4 icônes (le masque, Trump lui-même, le président des USA dans sa fonction, la pandémie) qui s’imbriquent les unes dans les autres créant différents messages. Et le choc visuel (le masque sur les yeux) est à lui seul l’élément créatif qui fera de cette illustration celle qui résumera plus tard ce qu’aura été cette pandémie, vue par la présidence des USA.
Toutes ces couvertures et plus encore sont visibles en grand et en diaporama ICI.
Cette pandémie n’est malheureusement pas finie et nous allons sûrement en subir les désagréments durant de longs mois encore… Les rédactions des périodiques, leurs photographes, leurs graphistes et illustrateurs vont certainement encore nous étonner de leurs talents… Wait and see.
LE SAVIEZ-VOUS ?
Sur la photo qui illustre ce post, détail de la couverture du magazine Vogue publié au Portugal, on voit un couple qui s’embrasse à travers un masque anti Covid-19. L’idée est forte car qu’est-ce qu’un baiser sinon une relation intime. Relation dont la pandémie nous prive. Ce baiser masqué, fait d’office penser au Baiser Voilé (ou les Amants), peint par René Magritte en 1928. Mais aussi aux affiches et annonces publicitaires United Colors of Benetton, signée du photographe Italien, Olivier Toscani, qui en 1992 firent scandale principalement en Italie et en France.
On y voyait une none et un curé s’embrasser sur la bouche… Le succès de cette campagne fût tel que près de 20 ans plus tard Benetton a remis le couvert avec au menu Nicolas Sarkozy faisant un French Kiss à Angela Merkel, mais aussi Barack Obama roulant une galoche au président chinois Hu Jintao et au président vénézuélien Hugo Chavez. Le pape Benoît XVI craquait lui pour Ahmed al-Tayeb, le guide spirituel de l’islam sunnite.
Il y avait d’autres « baisers fous » dans le tiroir, comme Merkel avec Berlusconi, mais ce dernier s’étant retiré de la politique, l’affiche ne fut jamais montrée. Benetton avait aussi pensé à se faire embrasser, sur la bouche bien sûr, le chef de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien. Beurk.

Mais il faut rendre à César… car qui est à l’origine de ces baisers improbables si ce n’est Leonid Brejnev et Erich Honecker qui, pour de vrai ces deux-là, se sont roulé une communiste pelle (et pourquoi pas un marteau?) devant tout le monde, lors du trentième anniversaire de la République démocratique allemande le 5 octobre 1972. Beurk repetita.
Brigitte & Jean Jacques Evrard
p.art.ages@proximus.be
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