Si vous n’avez pas encore de vos yeux vu l’Autel de Gand (De Lam Gods en Néerlandais) exposé dans la cathédrale Saint-Bavon de Gand, n’attendez plus. Courrez-y.
Vous découvrirez là-bas ce qui est sans doute l’œuvre picturale la plus importante de notre civilisation. La merveille des merveilles, peinte par Hubert Van Eyck, dit en son temps « meilleur de quiconque » et son frère Jan, dit « deuxième meilleur dans l’art » et achevée en 1432, chef-d’œuvre absolu de l’art primitif flamand !
Composé de 24 panneaux visibles selon que le retable soit ouvert ou fermé, l’œuvre est maintenant installée dans l’ancien baptistère de la cathédrale où l’heureux visiteur peut s’en approcher suffisamment pour pouvoir admirer chaque détail, avec même la possibilité de voir l’arrière des panneaux, ceux qui n’étaient visibles des fidèles des temps anciens que quand le retable avait ses portes fermées.
Que de voyages, contre son gré, cette œuvre a effectués. Après plus de deux siècles et demi de religieuse tranquillité, en 1794 les panneaux centraux sont saisis par la France et exposés au musée du Louvre. Mais heureusement rendus après la chute de Napoléon. Ensuite des panneaux sont vendu et revendus et se retrouvent à Londres pour être ensuite acquis par le roi de Prusse et exposés à Berlin. En 1861, ils sont de retour au pays et accrochés aux murs des Musées Royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles… en effet, Adam et Eve, dans leur costume éponyme, ayant été jugés choquants dans une cathédrale, sorte de « FaceBook pudibonderie » avant la lettre ! La première guerre voit aussi les Allemands s’en emparer mais le traité de Versailles les oblige à rendre à la Belgique tant les panneaux volés que ceux légalement achetés par Frédéric-Guillaume III.
En 1934 deux panneaux furent volés par le sacristain de l’église (!) qui rendit bien un panneau mais mourut avant de dire où se trouvait le second panneau (appelé Les Juges Intègres), jamais retrouvé à ce jour et remplacé par une parfaite copie de Jef Vanderveken, sur base d’une copie antérieure réalisée en 1559 par Michiel Coxcie.
La seconde guerre apporte elle aussi son lot de péripéties. Pour échapper aux griffes nazies le retable est confié au Vatican mais en route, Mussolini ayant pacté avec Hitler, le retable est dérouté à Pau, bien protégé par un pacte signé entre militaires Français, Belges et Allemands (!!!). Mais Hitler exige que l’ensemble soit saisi et transféré dans un château bavarois. Les raids aériens des alliés ne faisant plus de ce château un lieu sûr, le retable reprend la route et se retrouve dans la mine de sel d’Altaussee en Autriche. A l’approche de la fin du Reich, un haut responsable allemand décide de faire exploser la mine et huit charges de 500Kg y sont placées. Un désaccord au sein de l’état-major permet d’éviter le pire. Ce sont les Monuments Men qui retrouvent l’œuvre (et quantité d’autres) et rendent le retable à l’état belge lors d’une cérémonie au Palais Royal de Bruxelles devant la presse mais sans représentant de l’état français, Vichy ayant donné son feu vert au transfert du retable en Allemagne. Si vous ne l’avez vu, le film Monuments Men, signé Georges Clooney, commence justement par la découverte de l’Agneau Mystique, il a été tourné en Allemagne… cocasse !
Les monuments men découvrant un Manet dans la mine de sel d’Altaussee en Autriche où plus de 10.000 oeuvres exceptionnelles spoliées par les nazis avaient été entreposées.
Quelques-uns des 24 panneaux sont actuellement en restauration. Comme le couple royal Philippe et Mathilde et le couple Macron l’ont fait récemment, vous pouvez voir ce travail en direct au MSK (Museum voor Schone Kunsten). Ne manquez pas cette occasion rare de voir ces spécialistes de la restauration des oeuvres d’art au travail.
Notez aussi ceci dans votre agenda: du 1er février au 30 avril 2020, le Musée des Beaux-Arts de Gand (MSK) rendra hommage à Jan van Eyck, à travers l’exposition « Van Eyck. Une révolution optique ». De par le monde, seule une vingtaine d’œuvres de l’artiste sont conservées. Tout à fait exceptionnellement, une bonne partie de celles-ci feront le voyage jusqu’à Gand.
LE SAVIEZ-VOUS?
Bien installé chez vous, découvrez chaque centimètre carré de cette œuvre magistrale au microscope, avant et après restauration, aux rayons X, aux infra-rouges. Voyez ces tableaux comme même les frères Van Eyck ne les ont jamais vus. C’est simple, il vous suffit de cliquer ici et puis de vous émerveiller. Et de remercier les équipes du projet « Closer to Van Eyck » qui nous offrent à voir ce site exceptionnel.
Les agrandissements jusqu’à 10 x de chacun des 24 panneaux démontrent la minutie extraordinaire et le génie immense des frères Van Eyck.
impec de lire et connaître cette vie historique d’une oeuvre très exceptionnelle!
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Très très intéressant cet article sur Van Eyck. Je me souviens d’une bande dessinée dans Tintin où il était question du vol des Juges Intègres. Des artistes comme ceux-ci ont fait la réputation de la Belgique et de la Flandre avec leurs tableaux présents dans tous les grands musées du monde. Un autre exemple: Pierre Bruegel l’ancien dont la grande majorité des œuvres se trouvent hors de Belgique (magnifique expo à Vienne en ce moment). Un excellent candidat pour le second blog des agrandissements tant il y a des détails parfois difficiles à percevoir (avec les proverbes du Payottenland).
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