Une architecture innovante fait-elle pour autant un musée remarquable ?

Que dire de ces nouveaux musées, de ces constructions spectaculaires que toute ville se doit de posséder aujourd’hui ?

A quels besoins répondent-ils ? à faire parler d’eux ou de leur ville ? à mieux servir l’art ? à attirer de nouveaux publics ? à rajeunir le concept de musée poussiéreux encore présent dans l’esprit de beaucoup ?

Tout juste rentrés de New York où nous avons célébré la 12ème remise des Pentawards dans un lieu aussi extraordinaire que le musée Guggenheim, sur la 5è Avenue, le moment est venu de se poser ces questions.

Voilà un musée conçu par le plus grand architecte américain Frank Lloyd Wright, à la demande de Salomon Guggenheim, richissime industriel américain, passionné collectionneur d’art abstrait, qui voulait un écrin pour ses collections. Wright fut chargé de concevoir le bâtiment en 1943 mais ne vit jamais son oeuvre terminée car il mourut 6 mois avant l’inauguration officielle du 21 octobre 1959.

Photos: Musée Guggenheim New York

Le musée suscita beaucoup de critiques à l’époque de la part des autorités de la ville, des divers comités de quartier, mais la persévérance – 16 années durant – gagna en fin de compte.

C’était une véritable innovation dans les années d’après-guerre que cette construction qui dénote encore aujourd’hui parmi les immeubles cossus, néo-renaissance de la 5ème avenue.

La grande nouveauté de ce musée résidait dans la circulation « hélicoïdale » autour d’un atrium central lumineux. La visite est des plus agréables, sans fatigue, on commence tout en haut où l’on accède par un ascenseur, puis on descend à son propre rythme avec tout le temps nécessaire pour passer d’une œuvre à l’autre, un vrai bonheur. La lumière est diffusée avec douceur depuis le toit vitré en forme de toile d’araignée. Point de salles dans ce musée mais une circulation linéaire ininterrompue.

Quel que soit l’angle dont on l’observe, le bâtiment est intéressant, équilibré et beau. Parfait.

Depuis une vingtaine d’années, de nouveaux musées ont vu le jour un peu partout dans le monde, suscitant souvent critiques ou louanges.

Parfois, les architectes privilégient la forme, mais oublient un peu, voire beaucoup, le fond…

Un musée a pour ambition d’exposer et de rendre accessible au plus grand ombre, des œuvres d’art, l’histoire des civilisations, des sciences.

Nous avons épinglé quelques nouveaux musées «réussis» et d’autres qui le sont moins.

Le Louvres Lens, en pente douce…

Créé en 2012 par le bureau japonais SANAA Kazuyo Sejima et Ryūe Nishizawa. Les architectes ont dessiné un musée aux lignes pures qui n’est pas un « geste architectural », au Louvres Lens tout se passe à l’intérieur. Sa magnifique galerie du temps qui permet de passer en revue 2000 ans d’histoire de l’art, le tout dans un bel espace ouvert, où on déambule avec aisance en pente douce chronologiquement d’un siècle à l’autre. Un bel exercice pour les non-initiés comme pour les spécialistes. Les galeries temporaires, les réserves que l’on peut visiter, sont autant d’atouts. Le seul bémol… sa situation géographique qui n’est pas attractive du tout, dans le nord de la France, peu de visiteurs étrangers, sinon des Belges visitent l’endroit. Ce musée reste à juste titre assez critiqué sur sa rentabilité. La ville de Lens espérait créer le même effet que Bilbao, la fréquentation est elle aussi en pente douce. Dommage.

 

Le Sumida Hokusai Museum ne fait pas de vagues.

De la même architecte, Kazuyo Sejima, mais cette fois à Tokyo, s’est ouvert en 2016 un tout nouveau musée dédié à Katsushika Hokusai (1760-1849), le très célèbre illustrateur et créateur d’estampes qui ont fait le tour du monde. Pensez à sa belle série des 36 vues du Fuji et à l’incontournable grande vague au large de Kanagawa.

Ici, le bâtiment extérieur est assez intéressant, sorte de cathédrale en métal aux formes déstructurées, quoique sans aucun lien avec le vieux quartier un peu triste de la Sumida River où le maître Hokusai est né et a travaillé durant toute sa vie. On ne trouve aucun lien non plus entre l’architecture du Sumida Hokusai Museum et le travail de Hokusai.

L’intérieur, quant à lui, mérite un 4 /10… circulation difficile entre les étages, les passerelles et les colonnes qui rendent la déambulation compliquée. A ceci s’ajoute un trop petit ascenseur qui conduit aux salles d’exposition exigües et mal éclairées. Malgré tout, c’est un musée très visité, car le premier lieu consacré uniquement à cet artiste iconique au Japon.

Vous l’aurez compris, Hokusai nous a séduit mais pas son musée.

 

Guggenheim et l’effet Bilbao.

Le maintenant très célèbre musée Guggenheim de Bilbao (un des 5 faisant partie de la fondation), a clairement gagné la partie.

Ouvert en 1997, il a réussi son pari de sortir la ville du marasme économique où elle était plongée depuis la fermeture des chantiers navals à la fin des années 80.

Dessiné par l’Américain Frank Gerhy, sa silhouette extraordinaire est faite d’un assemblage de pierre, de verre et de titane. Le musée devient rapidement un des bâtiments contemporains les plus connus au monde, qui a œuvré au renouveau et à la notoriété de la ville. On a même donné à ce phénomène le nom de « Effet Bilbao ».

Le musée attire chaque année 1 million de visiteurs, plus attirés par l’architecture que par les collections ! Un comble pour un musée qui organise 4 expositions importantes par an.

 

National Art Center Tokyo, exemplaire.

Œuvre de l’architecte Kisho Kurokawa, le NACT est le troisième plus grand musée du Japon. Sa particularité, c’est un musée vide. C’est-à-dire sans collections propres. Ce qui lui permet d’organiser un grand nombre d’expositions par an, de tous types, n’étant lié à aucun style. Vu de l’extérieur, on voit une très belle façade ondulante toute habillée de verre, bien intégrée dans l’environnement. Derrière celle-ci, un large espace lumineux regroupe hall d’accueil, vestiaires, boutiques, restaurants, passages d’une salle à l’autre, ascenseurs, escalators… L’ensemble est de très belle qualité architecturale aux finitions soignées. Pour ce qui est des salles d’expositions, et il y en a 7 très grandes, l’architecte a fait preuve d’un pragmatisme exemplaire, puisqu’elles sont toutes de même forme rectangulaire et de même surface (+/- 2000 m2. Laissant ainsi toute latitude aux scénographes. Preuve qu’il est possible de mélanger architecture originale et expositions remarquables.

On pourrait encore citer d’autres exemples, car de nouveaux musées ont été inaugurés un peu partout dans le monde en 20 ans et quantité d’autres sont en projets. Chaque ville moyenne veut aujourd’hui son musée attractif.

Pensez aux nouveaux musées que vous avez visités et envoyez-nous vos impressions que nous pourrons ajouter à ce post.

 

LE SAVIEZ-VOUS?

Qu’il se crée actuellement 700 musées par an…

Que les grandes ventes publiques d’art, principalement du XXème siècle, ont explosé ces dernières années et que les grands acheteurs aujourd’hui sont les musées…

Qu’il en faut des œuvres à exposer dans ces nouveaux espaces. En 2018, on a vendu pour près de 10 milliards de $ d’œuvres d’art soit une augmentation de 18% sur l’année. En tête des pays acheteurs, les Etats Unis (40%), suivis de la Chine (24%), le Royaume Uni (22%), et ensuite viennent quelques pays européens.

Que dans le top 500 des artistes les plus côtés au monde, la Chine en compte 128, les Américains 82 et les Britanniques 27.

Que Londres, New York, Pékin et Hong Kong concentrent à elles seules 82% du chiffre d’affaires mondial pour l’Art Contemporain.

Que les artistes les plus prisés sont Picasso, Monet, Warhol, Basquiat et Modigliani

Qu’il y a actuellement 1.000.000 d’artistes contemporains qui vivent de leur art.

Que le dernier tableau de Léonard de Vinci, appartenant encore à un collectionneur privé, a été mis aux enchères à New York le 15 novembre 2017. Christie’s estimait son prix à 100 millions de dollars. Il a été adjugé pour 450 millions de dollars. « Salvatore Mundi », tableau de 65 cm sur 45 cm représentant le Christ en tenue bleue, a longtemps été propriété des rois d’Angleterre, avant de disparaître pendant une centaine d’années, puis de réapparaître à la fin du XIXe siècle. Il appartient aujourd’hui à un collectionneur privé européen. Recouverte de plusieurs couches de peintures qui obscurcissaient complètement sa surface, le tableau avait été vendu pour… 45 livres en 1958, lors d’enchères de Sotheby’s. Ce n’est qu’en 2005 que l’oeuvre a été examinée, puis restaurée, et formellement attribuée à Léonard de Vinci.

Salvator Mundi sera exposé au Louvre d’Abou Dhabi aux Émirats Arabes Unis. Nous en reparlerons.

Source: artprice.com

 

Brigitte & Jean Jacques Evrard
p.art.ages@proximus.be

3 commentaires sur “Une architecture innovante fait-elle pour autant un musée remarquable ?

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  1. De retour de Barcelone où nous avons visité le musée Picasso. Installé dans 5 magnifiques palais et maisons des XIII et XIVème siècles, rue Montcada dans le sympathique quartier du Born, le musée présente principalement des oeuvres de jeunesse du peintre.
    Autre curiosité-musée: la maison Mila, appelée aussi  » La Pedrera  » d’Antoni Gaudi au sommet de son art. La façade en forme de vagues, le toit en « promenade des cheminées » et les greniers qui présentent le mobilier créé par le maître pour la maison. L’intéressante découverte d’un appartement témoin complète et termine la visite.

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  2. Sujet original et très intéressant , merci ! J’espère qu’il s’enrichira encore avec le temps …
    La Fondation Louis Vuitton, par exemple, autre chef d’oeuvre de Frank Gerhy.

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