Pour créer, faut-il devoir oublier sa culture?

Une récente visite au musée Picasso de Malaga nous a fait découvrir une série de dessins d’un taureau, exécutés par le peintre entre le 5 décembre 1945 et le 17 janvier 1946. Au total 11 lithographies créées en un mois et demi. Certaines se suivent de quelques heures, d’autres de quelques jours seulement.

A la vue du onzième de ces dessins, tout de suite nous avons pensé à ce que disait en 1947 le grand architecte du Bauhaus Mies van der Rohe : Less is More.

Car en effet, le travail de Picasso ne reflète ici que la recherche de la simplicité. Dans ses trois premiers essais, il dessine le taureau de façon assez réaliste dans un style qui lui est propre puis il commence à synthétiser les formes, de façon « cubique » d’abord pour ensuite passer à l’épuration. C’est dans ses 3 derniers essais qu’il abandonne les aplats noirs pour ne plus utiliser que le trait. Pour au final, offrir au regard un taureau (oui c’est bel et bien toujours un taureau), réduit à quelques lignes.

picasso taureaux

Que retenir de cet exercice, car c’est bien d’un exercice qu’il s’agit ici. Certainement la détermination obsessionnelle du peintre. Travailleur acharné, il est entêté par sa quête du dessin accompli, celui où comme disait si justement Antoine de Saint-Exupéry, “La perfection est atteinte, non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer.”

Ces onze taureaux, dessinés à la suite en quelques semaines seulement, sont la preuve que Picasso était rarement satisfait de son travail et que son but pictural ultime était avant tout une recherche métaphysique. Picasso chercha toute sa vie l’essence des êtres et des choses.

En 27 secondes seulement, le geste du Maître…  ICI

N’en est-il pas de même pour tous les grands maîtres, quelle que soit leur discipline ? Mozart, Miro, da Vinci, Van Gogh, Kubrick, Giacometti,… et même Robuchon, Bocuse ou aujourd’hui Alain Passard, n’ont-ils jamais eu d’autre finalité que la pureté de l’œuvre, la simplicité magistrale, la substance de l’essentiel ?

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C’est le moment de faire un comparatif entre les arts premiers ainsi que l’art pariétal et la création contemporaine. Il suffit de regarder le dessin d’un bison sur un des murs de la Grotte Chauvet, ou ceux de guerriers sur les parois de Dame Blanche en Namibie. Ces hommes, nos lointains ancêtres, dessinateurs doués de naissance, ont immortalisé sur la pierre, souvent avec de pauvres moyens, parfois à la lumière d’une simple flamme, leurs frères ou des animaux de façon remarquable. Ayant de façon innée le sens de l’essentiel et de la symbolique. Quand on compare ces œuvres avec celles des artistes d’aujourd’hui, on se dit que pour pouvoir revenir à l’essentiel, nos contemporains doivent se débarrasser de leur héritage culturel, ce qui leur semble difficile à voir comment ce grand génie de Picasso a dû s’y reprendre à 10 fois pour passer d’une représentation « classique » à l’ultime, complètement épurée, comparable aux dessins préhistoriques.

Oserons-nous en déduire que la culture bride le créateur, et qu’il doit, s’il veut atteindre l’inaccessible étoile, se forcer à oublier son héritage culturel, à dédaigner le «bon goût», les modes et les conventions, pour s’en aller sur les chemins inconnus qui mènent à l’archétypale symbolique ?

A votre avis ?

 

LE SAVIEZ-VOUS ?

Même les grandes marques, du moins celles qui ont la vie dure, font régulièrement évoluer leurs logos vers plus de simplicité. Nulle n’y échappe. On voit ainsi que les premiers logos, ceux qui datent de plus d’un siècle – mais pas que – sont assez compliqués ou maniérés. Au fil des années, le design, et parfois le nom de la marque, s’épurent.

En un siècle, Pepsi-Cola a changé 10x de logo, idem pour Shell, Peugeot et Coca-Cola. McDonald est en tête avec 11 changements depuis sa création en 1940.

pepsi

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La palme revient à Renault qui n’a pas hésité à faire des modification drastiques durant son premier quart de siècle, osant même, pendant quatre ans et juste après la grande guerre, afficher un tank comme emblème… pour exprimer la solidité de ses produits !!! On en pense ce qu’on veut. Il faut toutefois dire que durant le conflit, Renault avait produit plus de 2000 chars en deux ans. Et près de 2000 autres produits en sous-traitance.

evolution logo renault Unique

Plus tard, après être passé d’une forme ronde à celle en losange, toujours d’actualité aujourd’hui, la société a demandé en 1967 au créateur de l’art optique, Victor Vasarely, de travailler sur le logo de la marque. Travail effectué par l’artiste avec l’aide de son fils le plasticien Yvaral précurseur de l’Art Numérique. On leur doit l’antépénultième logo de la série ci-dessus.

Pour une grande société, ayant de nombreux points de vente, un changement de logo est une affaire aussi sérieuse que coûteuse. On ne change pas d’image pour le plaisir et toute décision en ce sens se fait toujours au plus haut niveau de direction.

Le logo Renault actuel date de 2012 et semble bien abouti pour durer une bonne décennie encore.

Si Carlos Ghosn n’y voit pas d’inconvénient !

 

Brigitte & Jean Jacques Evrard
p.art.ages@proximus.be

2 commentaires sur “Pour créer, faut-il devoir oublier sa culture?

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  1. A l’opposé d’un défaut, la simplicité est une véritable qualité dans bien des domaines et secteurs d’activité. D’ailleurs, c’est Richard Branson qui a dit: « Complexity is your enemy. Any fool can make something complicated. It is hard to make something simple. » C’est bien vrai…

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